Climat positif, bienveillant et inclusif

Eliane Dulude, Université d’Ottawa

Carole Fleuret, Université d’Ottawa

Qu’est-ce qu’un climat scolaire positif, bienveillant et inclusif dans une école?

Le climat scolaire se définit comme étant l’atmosphère générale qui règne dans une école (Beaumont, 2018; Debarbieux et coll., 2012). Il porte sur les perceptions individuelle et collective qu’ont les personnes de l’environnement scolaire et il influence la manière d’y concevoir le niveau de sécurité et le climat en général (Kutsyuruba, Klinger et Hussain, 2015). Ce dernier est donc le jugement que portent les parents, le personnel enseignan* et les élèves de l’expérience perçue et vécue à l’égard des attitudes et des comportements du personnel et des élèves. Celui-ci comprend également les normes, les valeurs et les attentes qui aident les personnes à s’y sentir incluses, acceptées et en sécurité physique (Masson, 2019).

Cinq composantes sont essentielles pour comprendre la qualité du climat scolaire. Premièrement, il est important de s’attarder à la qualité des relations interpersonnelles et du soutien perçu et offert dans l’établissement. Cela implique des normes et des valeurs de respect, d’entraide, d’empathie et de soutien au sein de la communauté éducative. Une dimension importante comprend également la participation des parents et des tuteurs à la vie scolaire et aux décisions éducatives. En ce sens, l’établissement de relations interpersonnelles harmonieuses et d’un environnement d’apprentissage positif est l’un des principaux facteurs qui influencent le bien-être du personnel et des élèves (Beaumont, 2018; Robinson et coll., 2016).

Deuxièmement, il est judicieux de considérer le sentiment de justice scolaire qui se reconnaît par une série de jugements que les directions et le personnel enseignant posent, tels que l’attribution des salles de classe, la distribution des ressources (par exemple, matérielles, financières) et les charges de travail (Milley et Dulude, 2020) ainsi que l’équité des règles (par exemple, code de vie et règlement scolaire) et de leur application (Beaumont, 2018; Janosz et coll., 1998). Cela implique d’observer les personnes et les comportements auxquels l’équipe-école doit porter attention, ainsi que les comportements ignorés ou réprimandés. Il faut également s’interroger sur les messages qui sont envoyés en s’attardant aux personnes et aux comportements susceptibles de susciter ou de renforcer les perceptions de justice et d’égalité de traitement.

Troisièmement, la sécurité inclut à la fois la sécurité émotionnelle des élèves et des adultes (par exemple, tolérance et respect des différences, résolution des conflits) ainsi que la sécurité physique (par exemple, interventions lors des infractions aux règles) (Masson, 2019). Cette composante influencerait d’ailleurs la perception des risques de victimisation (Janosz et coll., 1998) et réduirait l’attention et l’ouverture des élèves à l’apprentissage lorsqu’en situation d’insécurité ou de vigilance (Masson, 2019).

Quatrièmement, le sentiment d’appartenance réfère au sentiment de fierté à fréquenter l’établissement scolaire et à l’adhésion aux valeurs véhiculées ainsi qu’à l’importance que le personnel et les élèves lui accordent comme milieu de vie (Janosz et coll., 1998). Celui-ci se reflète par leur engagement ainsi que par leur sentiment de faire partie d’une communauté ou d’avoir un lien d’attachement avec un adulte de l’établissement.

Cinquièmement, il est essentiel de regarder ce sur quoi l’enseignement et l’apprentissage sont centrés, c’est-à-dire la façon dont la réussite éducative des élèves, leur bien-être ainsi que le développement de leur plein potentiel sur le plan physique, intellectuel, affectif, social, moral (spirituel) sont au cœur de l’action individuelle et collective (Beaumont, 2018). Cela comprend le fait d’établir et de maintenir des normes où l’équipe-école mise sur une instruction de qualité, le soutien d’une équipe de direction, des attentes élevées en matière de réussite éducative, des apprentissages socio-émotionnels ainsi que le développement et le maintien du plaisir d’apprendre (Masson, 2019).

* Le masculin est utilisé dans sa forme épicène pour ne pas alourdir le texte.

Comment la discipline progressive permet-elle de renforcer le climat bienveillant, positif et inclusif?

Les politiques dont la philosophie est fondée sur la tolérance zéro présentent des limites importantes quant à la sécurité dans les écoles, car celles-ci augmenteraient à la fois les comportements à risque (Debarbieux et coll., 2012) et les enjeux d’iniquité dans leur application. En effet, certaines études estiment que les interventions à caractère punitif mettant l’accent sur les comportements inappropriés plutôt que sur les comportements acceptables semblent produire des effets contraires à ceux recherchés (Beaudoin et Roberge, 2013). Plusieurs études mettent en évidence que certains groupes d’élèves (par exemple, élèves racialisés, élèves en situation de handicap, des élèves d’une diversité de genre ou d’orientation sexuelle) sont plus affectés par le harcèlement et l’intimidation à l’école (Kutsyuruba, Klinger et Hussain, 2015; Welsh et Little, 2018). Ces recherches soulèvent d’importantes questions : 1) Qui sont les groupes d’élèves impliqués dans des événements graves et qui sont suspendus et expulsés? 2) Qui sont les groupes d’élèves victimes de harcèlement et d’intimidation? 3) Quelle gestion des comportements a été mise en place (par exemple, types, degré de gravité et mesures disciplinaires en conséquence)? Lorsque ces politiques étaient implantées en Ontario, il a été observé durant l’année 2000-2001 que le nombre d’expulsions avait augmenté significativement passant de 106 élèves à 1909 élèves durant l’année 2003-2004 après leur mise en œuvre (Hussain, 2015). Des écarts ont été documentés entre les infractions et les mesures disciplinaires imposées aux élèves en fonction des groupes. En effet, il a été noté que la majorité des élèves qui avaient été expulsés étaient des élèves noirs du secondaire d’origine antillaise en particulier (Équipe d’action pour la sécurité dans les écoles, 2006). Cela a donc soulevé des enjeux d’équité puisqu’il semble exister des incompréhensions ou des désaccords sur ce qui constitue un comportement perturbateur qui ont conduit à des suspensions excessives d’élèves racialisés (Kutsyuruba, Klinger et Hussain, 2015). Après enquête, la Commission ontarienne des droits de la personne a déterminé que des

amendements aux politiques de tolérance zéro étaient nécessaires, estimant que le droit des élèves à l’enseignement avait été négligé pendant la période où ils n’étaient pas à l’école (Hussain, 2015).

À partir de 2007, les politiques ministérielles se sont donc éloignées de cette philosophie et se sont concentrées sur la discipline progressive en y proposant l’implantation de pratiques de justices réparatrices (Hussain, 2015). Cette réorientation tient compte du fait que certains élèves n’ont pas encore acquis certaines compétences sociales ou émotionnelles nécessaires (par exemple, reconnaissance et expression adéquate des émotions, compétences relationnelles, conscience sociale et prise de décision responsable), la mise en œuvre de stratégies qui les aideront à résoudre les conflits contribuerait ainsi au développement et au renforcement des comportements socialement responsables et affectifs (Beaudoin et Roberge, 2013). En sachant qu’il existe plusieurs facteurs personnels, familiaux, sociaux et scolaires susceptibles d’influencer les comportements des élèves, ces politiques proposent d’abord de comprendre la situation et d’identifier les facteurs atténuants la gravité des actes posés. Conséquemment, la prise en compte des facteurs atténuants permettrait d’expliquer pourquoi certains adoptent des comportements d’agression ou encore se sentent impuissants face à la violence de leurs pairs (Beaumont, 2018).

Quelles mesures de prévention et d’intervention pour améliorer le climat et le bien- être du personnel et des élèves dans une école?

Les études mettent en évidence l’importance d’une approche globale et positive qui implique l’ensemble du personnel scolaire et communautaire (Beaudoin et Roberge, 2013; Beaumont, 2016). Pour ce faire, certaines attitudes et certains comportements bienveillants de l’équipe- école sont susceptibles d’établir un climat positif, bienveillant et inclusif. Notons, entre autres, le fait d’adopter une approche encourageante et sécurisante qui considère les écarts de comportements comme des occasions nécessaires pour apprendre et se développer (Beaumont, 2018). Cela ne veut pas dire de laissez-faire, mais plutôt d’adopter une attitude ferme dans l’expression et l’exécution des actions. Cela exige de l’équipe-école de modéliser les comportements acceptables en demeurant calme et posée face à des situations de conflits. De plus, l’application constante de procédures claires contre des situations d’intimidation, de violence ou de harcèlement par l’équipe-école aurait des effets positifs sur les résultats scolaires, la santé mentale et les comportements (Debarbieux et coll., 2012).

Références bibliographiques

Beaudoin, H. et Roberge, G. (2013). Description des initiatives pour prévenir et traiter l’intimidation scolaire dans les provinces canadiennes. Revue de la Pensée Éducative, 46(1), 23-43.

Beaumont, C. (2018). Climat scolaire et relationnel positifs : essentiels au bien-être et à la réussite éducative, Santé en action, 445, 26-28.

Debarbieux, E., Anton, N. , Astor, R.A., Benbenishty, R., Bisson-Vaivre, C., Cohen, J., Giordan, A., Hugonnier, B., Neulat, N., Ortega Ruiz, R., Saltet, J., Veltcheff, C., Vrand, R. (2012).

Le « Climat scolaire » : définition, effets et conditions d’amélioration. Rapport au Comité scientifique de la Direction de l’enseignement scolaire, ministère de l’Éducation nationale. MEN-DGESCO/Observatoire International de la Violence à l’École. 25 pages.

Hussain, A. (2015). The Effects Of Ontario’s Safe Schools Policy On Racialized Students (2000 2013), [thèse de doctorat, Queen’s University]. https://qspace.library.queensu.ca/bitstream/handle/1974/13729/Hussain_Shaheeda_A_201509_PhD.pdf?sequence=1

Kutsyuruba, B., Klinger, D. A., & Hussain, A. (2015). Relationships among school climate, school safety, and student achievement and well‐being: a review of the literature. Review of Education, 3(2), 103-135.

Masson, J. (2019). La bienveillance au service du climat scolaire. Dans J. Masson, Bienveillance et réussite scolaire (Dir.) (p. 127-149). Dunod.

Milley, P. et Dulude, E. (2021). Towards an Educational Administration Curriculum that Addresses Maladministration in Internationalized Higher Education. In Eugenie A. Samier, Eman Elkaleh et Waheed Hammad (Eds.). Internationalisation of Educational Administration and Leadership Curriculum: Voices and Experiences from the ‘Peripheries’. Emerald Publishing Limited, Bingley, p. 89-113

Welsh, R. O. et Little, S. (2018). The School Discipline Dilemma: A Comprehensive Review of Disparities and Alternative Approaches. Review of Educational Research, 88(5), 752–794.